Interrogeons deux auteurs du dix-huitième siècle, Turgot et Necker, penseurs et praticiens, tous deux ministres, tous deux dans les “affaires” quoique différemment.
Comme tout le monde, l’un et l’autre pensent et agissent dans des conjonctures, mais aussi, ce qui est principal pour l’observateur aujourd’hui, dans un “moment”, dans une période historique charnière.
N’oublions pas que ces hommes réfléchissent “en situation”, pour ainsi dire, ils ne nous livrent pas des conjectures, des spéculations. Les données de caractère théorique que l’on peut trouver dans leurs réflexions sont des éléments d’une théorie “en train de se faire”. Bien qu’ils se réfèrent respectivement à des “systèmes”, ils ne produisent pas eux-mêmes de systèmes achevés, et c’est d’ailleurs l’un des facteurs de l’intérêt qu’ils ont pour notre réflexion.
Ce qu’on retirera de leurs analyses n’y existe pas tout fait, tel quel. Cela y est néanmoins.
Ces deux auteurs nous donnent des observations très fécondes. Par leur valeur descriptive bien sûr, mais pas seulement. Ces observations sont fécondes surtout pour l’observateur qui muni de quelques rudiments d’économie politique “marxiste”, d’éléments d’une théorie historique, vient à ces pensées et leur pose des questions touchant à la forme du groupement social d’une part, à ses formes politiques d’autre part. En d’autres termes, ces pensées sont d’autant plus fécondes que l’on sait quelles questions leur poser, ou, si l’on préfère, lorsqu’on va à elles déductivement pour leur donner leur place dans les processus inductifs d’investigation.
Turgot et Necker nous parlent d’une société où l’on produit habituellement des surplus, où la production donc rend plus que le nécessaire à la reproduction simple de la société.
Necker évoque les « biens surabondants de toute espèce qui s’amassent dans une société ». Turgot pose même que tout travail implique un « surplus » au regard du nécessaire vital, faute de quoi les hommes ne se seraient ni habillés, ni logés. Ils ne nous parlent donc ni d’une communauté autarcique, d’une économie de subsistance, ni d’une société d’échange occasionnels.
La société dont ils nous parlent implique « le marché ». Le marché comme échange entre producteurs de marchandises. Si le producteur, nous dit Turgot, n’a pas besoin de consommer tout ce qu’il a recueilli, il peut échanger son travail contre le travail des autres, c’est-à-dire son produit contre celui d’autres producteurs. La société dont nous parlent Turgot et Necker implique aussi le marché, dans sa forme développée, comme échange d’argent contre du travail vivant. On y reviendra.
Les deux hommes ne posent pas cette question du marché de la même façon. Sans entrer ici dans le détail de leurs propos respectifs, notons-en ce qui semble principal pour notre sujet. Turgot pose au départ un rapport d’échange entre producteurs de valeurs d’usage, entre le produit agraire, de subsistance, et le produit artisanal ou manufacturé, en tant d’ailleurs qu’il s’agit d’une transformation du produit agraire. Le producteur agraire donne, nous dit Turgot, « à toute la société la subsistance et la matière de tous ses besoins ». La production artisanale transforme s’il y a lieu cette matière pour lui donner une forme utile autre.
Turgot pose donc que le “surplus” du travail du laboureur, du producteur agraire est « l’unique fond » auquel les « autres membres de la société » peuvent échanger leur propre travail. Plus, le laboureur est l’initiateur, l’axe et le seul générateur de richesse ajoutée.
« Il est, dit Turgot, l’unique source de toutes les richesses qui, par leur circulation, animent tous les travaux de la société, parce qu’il est le seul dont le travail produise au-delà du salaire du travail. »
Filiation physiocratique évidemment, qu’on ne trouve pas chez Necker. Mais c’est une conception intenable en pratique, qu’aussi bien Turgot ne tient pas, car d’une part, les laboureurs ne peuvent échanger leurs surplus que contre d’autres surplus même si ceux-ci se représentent aux laboureurs comme simple nécessaire de nouveaux acheteurs, et d’autre part, cela ne reflète pas les faits réels. Il n’empêche qu’il en déduit une grande classification bipolaire de la société : classe productrice, classe stipendiée.
Turgot sait que sa conception du fondement des deux grandes classes qu’il pose est intenable. Il ne méconnaît pas l’existence d’un autre sujet :
« le simple ouvrier, qui n’a que ses bras et son industrie, n’a rien qu’autant qu’il parvient à vendre à d’autres sa peine. »
Si l’on doute qu’il s’agit du prolétaire, voyons la suite :
« Il la vend [sa peine] plus ou moins cher, mais ce prix ne dépend pas de lui seul : il résulte de l’accord qu’il fait avec celui qui paye son travail. Celui-ci le paye le moins cher qu’il peut ; comme il a le choix entre un grand nombre d’ouvriers, il préfère celui qui travaille au meilleur marché […] il doit arriver, et il arrive en effet, que le salaire de l’ouvrier se borne à ce qui lui est nécessaire pour lui procurer sa subsistance. »
Si l’on ajoute le fait que les surplus obtenus dans le travail de la terre permettent une disjonction des fonctions de propriétaires de terre et de cultivateurs, la classification bipolaire se démultiplie, on a : – une classe stipendiée ou classe stérile, – une classe de propriétaires de terre, ou classe disponible parce qu’elle vit des ses rentes, – une classe productive, de cultivateurs. Cette dernière se divise à son tour en trois catégories : – cultivateurs–propriétaires, – cultivateurs–fermiers, – simples salariés. Symétriquement la classe des propriétaires se divise en propriétaires affermant leur terres et propriétaires employant eux-mêmes des salariés.
La classification s’affine encore avec l’examen de la classe stipendiée, artisans, manufacturiers grands et petits. Là aussi Turgot fait état de la division entre entrepreneurs, c’est-à-dire possesseurs de capitaux, et ouvriers “prolétaires” :
« Toute la classe occupée à fournir aux différents besoins de la société l’immense variété des ouvrages de l’industrie [se compose] des entrepreneurs manufacturiers, maîtres fabricants, tous possesseurs de gros capitaux qu’ils font valoir en faisant travailler […] de simples artisans qui n’ont d’autre bien que leurs bras, qui n’avancent que leur travail journalier et n’ont de profit que leurs salaires. »
À ces classes, il faut ajouter celle des marchands assurant la circulation des marchandises, la classe qui opère le prêt à intérêt, qui donc fournit des avances de capitaux. Ces derniers appartiennent en fait à la classe disponible, disponible au plus haut point en effet si l’on considère sa “fonction” sociale.
Quant à Necker il pose également une économie marchande en général. Il pose que l’activité s’ordonne autour de la production du surplus. c’est même le critère général de la richesse sociale :
« Les richesses de l’État […] ne seront pas composées des biens qui sont essentiellement nécessaires à la population […] Les seules richesses qui forment une puissance distincte de la population, ce sont les biens surabondants de toute espèce qui s’amassent par le temps dans une société. »
Necker pose que toutes les branches d’activité rendent des surplus. Il ne nie pas que la généralisation des échanges présuppose le surplus agricole, des subsistances, surplus qui implique lui-même que les producteurs de subsistances aient eux-mêmes leur propre nécessaire. Mais ce n’est pas l’axe de sa réflexion. Pour Necker, dans le rapport entre secteur agraire et secteur industriel (manufacturier), l’industrie constitue l’élément principal, moteur, le plus actif :
« L’inégalité des propriétés ayant rassemblé dans les mêmes mains des terres d’une étendue considérable, dont le produit annuel surpassait infiniment les véritables besoins des propriétaires, ils eussent négligé la culture […] s’ils n’avaient pu échanger contre différents biens les fruits superflus dont ils étaient possesseurs. Ainsi l’inégalités des propriétés eût arrêté les progrès de l’agriculture, si les arts, les manufactures et tous les travaux de l’industrie ne fussent venus exciter l’émulation des propriétaires en leur offrant les moyens de convertir dans mille jouissances agréables les denrées qui leur étaient inutiles. »
Il en va de même vers l’extérieur :
« La France […] qui nourrissait de ses grains les étrangers […] éclairée par le siècle de Louis XIV et par le génie de Colbert […] maintenant les consomme elle-même […] n’a plus besoin de les vendre pour acquérir de l’argent ou d’autres productions étrangères […] est sûre d’obtenir tous ces biens par l’échange des fruits de son industrie : véritable commerce d’un État dans sa perfection, et le seul qui entretienne sa prospérité en accroissant à la fois sa population et sa richesse. »
Plus que celle de Turgot, la pensée de Necker fait place à la contradiction entre propriétaires et non propriétaires des moyens de production, et à la question de l’appropriation qui y est liée, au rapport moderne entre capital et travail en quelque sorte.
Il pose par conséquent une classification essentielle binaire : – Propriétaires, fonciers, manufacturiers, – prolétaires, ou non peuple et peuple, ou encore appropriateurs et non appropriateurs. En ce sens il nous dit que la société se divise en deux blocs inégaux :
« Le plus grand nombre des hommes réduits au plus étroit nécessaire »,
et le plus petit nombre
« les riches [avec] leur surabondance de biens. »
Le peuple, c’est la majorité des hommes
« sans propriété, de parents à peu près dans le même état, et qui […] sont réduits à leurs facultés naturelles, et n’ont d’autre possession que leur force ou quelque art grossier et facile [et dont] la subsistance dépend uniquement de son travail journalier. »
Cette classification coexiste avec une autre classification bipolaire correspondant à l’état proto-capitaliste du régime économique : – les classes manufacturières, propriétaires et ouvriers, – les classes liées à la propriété foncière. Cette division repose essentiellement sur l’opposition entre le développement capitaliste moderne et la propriété foncière, entre le profit et la rente foncière.
Necker n’oublie pas les marchands, il n’oublie pas les « administrateurs », les « commis », mais on peut ne rien en dire ici sans trahir gravement ses conceptions.
Il va de soi que toutes ces forces sociales posées tant par Turgot que par Necker, ont des intérêts divers, opposés, sont en contradictions.
Turgot nous dit que les ordres, en fait les classes, ont
« des prétentions très diverses […] des intérêts très séparés les uns des autres »,
qu’il y a
« guerre perpétuelle de prétention et d’entreprise. »
Necker plus précis pose la lutte entre propriétaires et prolétaires :
« Il s’établit entre ces deux classes de la société une sorte de combat obscur, mais terrible, où l’on ne peut pas compter le nombre des malheureux, où le fort opprime le faible à l’abri des lois, où la propriété accable du poids de ses prérogatives l’homme qui vit du travail de ses mains. »
Necker pose aussi la lutte autour du partage de la plus-value au sein des classes propriétaires, y compris les marchands. Ainsi, nous dit-il, le propriétaire foncier affirme que
« presque tous les objets d’industrie sont composés d’une production du sol »,
tandis que le manufacturier soutient que la valeur de son produit doit
« principalement au travail, la portion de terre consacrée à la matière est presque imperceptible. »
Il est clair qu’à l’époque où s’inscrivent ces réflexions, l’ordre ancien, de type féodal est en décomposition avancée. Les relations sociales, économiques notamment ne sont plus réglées par les rapports de ce monde ancien, tels le rapport intersubjectif. Ce qui prévaut déjà c’est l’ordre “spontané” de la production marchande, l’anarchie marchande. Il y a, on l’a vu, oppression, destruction des forces productives. Il suffit pour le percevoir de se reporter aux observations de Turgot concernant la mendicité, les ateliers et bureaux de charité. Chacun est mû par son intérêt, par un but privé, particulier.
« Sire, écrit Turgot, votre nation […] est une société composée de différents ordres mal unis et d’un peuple dont les membres n’ont entre eux que très peu de liens sociaux ; où […] chacun n’est occupé que de son intérêt particulier exclusif, où presque personne ne s’embarrasse de remplir ses devoirs ni de connaître ses rapports avec les autres ; de sorte que, dans cette guerre perpétuelle de prétentions et d’entreprises que la raison et les lumières réciproques n’ont jamais réglé, Votre Majesté est obligée de tout décider par elle-même ou par ses mandataires. »
Et, de son côté, Necker souligne :
« L’homme privé guidé par un flambeau qui n’éclaire que lui ramène tout à ses calculs familiers. »
« Sans y penser chacun généralise son espèce […] le noble, le riche, le guerrier, le magistrat, chacun étend son espace et celui de son état ; les erreurs se multiplient ; on croit successivement que les campagnes sont faites pour les villes, les villes pour les cours, les empires pour les souverains ; et les propriétaires de très bonne foi célèbrent au nom du bien public toutes les lois qui ne sont faites que pour eux. […]
Le propriétaire de terre croit à la prospérité de l’État quand il vend cher sa denrée ; tandis que l’homme qui vit de son industrie attribue tous ses maux à la cherté des grains. »
Il y a donc
« choc continuel d’intérêts, de principes, d’opinions. »
Et le peuple “prolétaire” est laissé pour compte.
Telle est la réalité sociale marchande. Mais ce n’est pas toute la réalité marchande. Il y a aussi unité, unité du marché, notamment intérieur.
On peut dire rapidement que l’unité existe dans la forme de la généralisation de la contradiction. Et cette contradiction n’est féconde que si elle se développe dans l’unité. Ce n’est pas un paradoxe de pensée, c’est simplement l’expression du double caractère de la production marchande en général.
Reste que ce que cette production engendre spontanément et immédiatement c’est la contradiction. L’unité ne peut se poser que médiatement, que comme dépassement de la contradiction, face à cette contradiction, que comme la forme du principe qui la rend “légitime”, c’est-à-dire de ce qui fait que ses termes sont identiques.
Cette unité se pose alors non plus dans ce qui s’affronte, mais comme une forme unique de ce qui fonde les différents antagonistes à s’affronter. Il est clair qu’aucune force particulière, ni aucun rapport, ne peut à soi seul se poser concrètement comme étant le tout, l’ensemble. Celui-ci, ou l’unité, ou encore la forme unique des diverses oppositions, ne peut être posé qu’en abstraction et qu’extérieurement au mouvement concret des oppositions effectives. Là nous touchons à la politique.
On voit bien qu’il s’agit de poser tout autre chose qu’un “reflet”, au sens de réplique imagée, du désordre de la sphère économique et des affrontements sociaux qui y sont liés. Il ne s’agit pas plus de les prolonger idéalement. Il s’agit de faire exister, en un lieu propre, ce que dénie ou renie, ou ignore la société en sa forme économique immédiate, bien qu’elle le contienne.
À la suite de sa description de la “désunion” et de la prévalence de l’intérêt privé particulier, Turgot dit, en substance, qu’il faut tenir le tout ensemble en cherchant à faire contribuer les parties « au bien public », qu’il faut faire
« concourir les forces et les moyens de la nation au bien commun. »
Pour Necker cette forme politique doit être posée indépendamment des sujets singuliers puisqu’elle est l’abstraction de ce qui les fonde tous.
« En général, écrit-il, il n’est que trop fréquent de voir confondre l’intérêt des propriétaires avec celui de l’agriculture, l’intérêt des fabricants avec celui des fabriques […] autant d’objets qu’il est nécessaire de distinguer. »
Ainsi, ce qui est “commun”, “public”, supérieur aux intérêts particuliers des différents propriétaires, manufacturiers, c’est l’intérêt de la production de richesses agricoles, industrielles, qui englobe et conditionne l’intérêt des sujets privés, est chose publique. La force posant, ou imposant effectivement ce principe est “puissance publique”, qui selon ses figures ou ses actes spécifiques est nommée souverain, législateur, homme de bien public, comme incarnation du principe de la chose publique, sujet de la politique. Et, si en tant que telle, elle ne peut, selon Necker, « faire germer la semence au sein de la terre », se substituer, en tant que telle, aux producteurs, pas plus qu’elle n’annule leurs rapports réels de concurrence, elle a en revanche un rôle irremplaçable pour la formation même d’une société méritant ce nom fût-ce virtuellement :
« [Aux] institutions civiles faites pour les propriétaires, aux lois civiles qui annoncent les prétentions des particuliers »,
la puissance publique doit opposer le fait que la
« loi faite pour une nation doit prendre sa source dans le bien général. »
C’est pourquoi le législateur, l’homme du bien public,
« doit s’élever par la pensée au dessus des différents motifs qui remuent la société : il doit la considérer dans toute son étendue. »
En somme, selon Necker,
« l’homme du bien public, le souverain, remplit par sa pensée l’intervalle qui existe entre les sources de la prospérité d’un État et les différents intérêts particuliers. »
Quoique beaucoup moins clairement Turgot a une préoccupation analogue. Il pose sans ambages que les affaires privées sont ce qu’elles sont et peuvent bien le rester si, pour sa part, le souverain se réserve les questions générales concernant la totalité des sujets. Et la forme qu’il envisage s’articule sur l’émergence d’un bien public affranchi des intérêts et des autorités et volontés particulières, bien public directement pris en charge par l’homme du bien public, par le souverain. Ainsi, écrit-il au roi, actuellement
« Vous êtes forcé de statuer sur tout [sur le particulier autant que sur le général], et le plus souvent par des volontés particulières, tandis que Vous pouvez gouverner comme Dieu par des lois générales. »
On peut noter que la question de la politique, au centre de laquelle se trouve la question de la “chose publique” ou du “bien public”, n’est pas, en son principe, pour l’essentiel un dépassement idéel des contradictions effectives, pratiques, du monde réel, ce n’est pas une unité fantasmagorique des divisions du monde réel. Poser la chose publique n’est pas poser la figure de la négation des intérêts économiques ou des intérêts de classes. La politique, et partant la question du bien public, est au contraire la forme sociale dans laquelle des infrastructures et des configurations de classes spécifiques peuvent être posées et pensées dans l’histoire, c’est-à-dire dans leur qualité hégémoniques potentielles ou effectives, dans leur qualité de manifestation et d’exposant de l’intérêt de toute la société ayant statut d’universel.
On peut encore souligner que ni Turgot ni Necker n’inventent leurs conceptions de la puissance, ou du bien public, comme pièce centrale dans la sphère de la politique. Ils la déduisent de la réalité économique et sociale de leur époque, qui a elle-même une puissance effective d’universalisation.
Ainsi Necker donne-t-il à voir l’universalité de la question du bien public, ou du rôle de la politique, sur la base des conditions qui font du développement de l’industrie capitaliste le socle du bien public, ou de l’intérêt général. Pour lui le bien public a pour appui principal, la politique a pour axe, les intérêts dont la réalisation est ferment du développement social d’ensemble. Mais ainsi il ouvre la boite de Pandore, car toute classe porteuse de tels intérêts se trouve fondée à revendiquer l’institution du législateur, la souveraineté.
Observons enfin qu’on n’a pas envisagé la politique au regard de l’économie et des classes sous les angles de ses “appareils”, de ses fonctions exécutives, de ses fonctions coercitives, par exemple. Ce n’est pas qu’elles soient étrangères aux auteurs considérés ici, ils sont eux-mêmes administrateurs, commis de la puissance souveraine. L’un et l’autre traitent la question du soutien à l’activité économique, celle de l’administration des deniers publics, de la réglementation contre les excès suicidaire de la logique marchande livrée à elle-même, ils s’intéressent au recensement des forces de production, au calcul statistique. Comme le dit Turgot :
« Ce n’est pas tout que la nation obéisse : il faut s’assurer de lui pouvoir bien commander […] pour y réussir, il faudrait connaître sa situation, ses besoins, ses facultés. »
On ne s’est pas attaché aux thèses concernant ces questions dans la pensée de Turgot et de Necker, non pas parce qu’elles toucheraient des réalités peu importantes, mais parce que les dimensions politiques de ces réalités sont secondes au sens de dérivées des questions que l’on a examiné.
Références :
Necker, Sur la législation et le commerce des grains, 1775.
Turgot, Réflexions sur la formation et la distribution des richesses, 1766. Mémoire sur les municipalités, 1775, (rédigé par Dupont de Nemours sur les indications de Turgot).