Une dissolution peut en cacher une autre

Tragi-comédie en trois actes

« Ce qui fait la légitimité c’est l’intérêt général. Pour eux l’intérêt général c’est dépassé. »
Or il n’y a plus de débats : des débats où on s’écoute même lorsqu’on n’est pas d’accord. Ils martèlent ce qu’ils ont à dire, souvent ça vole pas bien haut, ils s’invectivent, mais ça n’avance pas.
De toute façon, Il n’y a pas d’orientation cohérente pour ce qui va venir. »
Citoyens ordinaires, région Centre
NB. Ils ou Eux désignent les “politiques”, les partis

La séquence électorale de l’année 2024 (Européennes-Dissolution-Législatives) constitue une nouvelle phase du processus de déconstitution (1) de la vie politique de la nation, processus engagé depuis plusieurs décennies. Selon le président de la République, une clarification politique devait résulter de cette séquence électorale. Il en espérait « une majorité claire pour agir dans la sérénité et la concorde. » Las, il n’en a pas été selon les vœux du Président. La séquence a révélé tout à la fois l’absence de toute orientation pour l’avenir et une dislocation périlleuse de la sphère politique. Elle a aussi mis au jour le profond discord entre les citoyens et les divers partis censés les représenter, leur incapacité à tracer des orientations générales pour l’ensemble de la nation, leur rejet ne signifiant nullement de la part des citoyens un rejet de la politique elle-même (2).
Pour rendre compte de ce préoccupant discord, nous avons choisi de mettre en scène la chronique de cet épisode en restituant, en alternance, les voix des participants les plus obscurs comme celles, plus sonores, de ceux qui, en cette année 2024, avaient droit plein au chapitre dans le grand cirque politique. On pourra s’interroger sur la justesse et la richesse relatives des propos de ces deux groupes au regard de la réalité.

(1) Sur le processus de constitution-déconstitution des instances politiques, voir Hélène Desbrousses, Le Lieu politique. Constitution et déconstitution, Centre de Sociologie Historique, Inclinaison, 2016. (2) Voir notamment le sondage Odoxa/Blackbone Consulting (82 % des sondés ont une mauvaise opinion des partis).

Post-Scriptum. Après avoir bouclé ce numéro spécial, les causes et conditions du processus général de dissolution de la sphère politique restant les mêmes, de nouvelles péripéties ne pouvaient que survenir. La séance du 4 décembre à l’Assemblée Nationale (motion de censure) s’inscrit dans la logique de ce processus général. Les sentiments exprimés en cette circonstance par la population ne signifient pas davantage qu’hier un rejet de la politique en son essence, plutôt une défiance envers de représentations partisanes, qui dans la conjoncture actuelle ne représentent plus qu’elles-mêmes. Un sondage (Elabe 5 décembre) donne à voir à ce propos les avis d’électeurs qui au premier abord se présentent comme paradoxaux. D’un côté 51% des citoyens sondés approuvent la motion de censure (mettant fin au gouvernement Barnier). De l’autre, 72 % de ces mêmes citoyens ont trouvé déplorable le spectacle donné à cette occasion par les responsables politiques.
Une fois encore, pour conclure (provisoirement), laissons la parole à quelques citoyens référents :

« ça ne va pas bien, ils disent qu’ils font ça pour le peuple, mais je crois qu’ils ne pensent que pour eux, nous on ne peut rien faire. »
« Ils ont joué à la roulette, mais pas avec leur mise ».
« Aucun n’est responsable, c’est toujours un autre, alors je me demande si quand on dit : ‘pas responsable’, ça veut pas dire irresponsable. »

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