« Depuis quatre-vingt ans, aucune interprétation ou définition du fascisme n’a fait l’unanimité », écrit Robert O. Paxton dans son ouvrage le Fascisme en action (1). Tant dans le registre commun que dans le registre savant, la notion se présente en effet comme une nébuleuse, une même imprécision affectant son antonyme, l’antifascisme. Cette difficulté s’est accentuée au cours des dernières décennies. Selon certains spécialistes, elle résulterait de la diversité des formes et manifestations du phénomène fasciste, s’opposant à toute caractérisation générique. En conséquence, il a pu être estimé préférable, plus spécialement après la Seconde Guerre mondiale, de réserver le terme de fascisme au cas italien. Le fascisme nazi, en dépit de parentés reconnues, se constituant en phénomène à part, qu’on suppose tout de même capable d’être rangé dans la même catégorie que le communisme soviétique, sous une même dénomination englobante : le totalitarisme.
La notion même de fascisme s’est ainsi trouvée pour partie évacuée, il en a été de même plus récemment pour le nazisme.
Ce parcours de la notion est sans doute à mettre en relation avec l’implication du mot dans les combats nodaux du XXe siècle, implication qui n’appartient peut-être pas définitivement au passé. Comme le suggère Robert Paxton, seule une vue synthétique de ce qu’a été le fascisme pourrait permettre d’en discerner les prémices dans le monde actuel. Dégager la configuration historique et politique du phénomène fasciste revêt ainsi une importance pratique. Comment serait-t-il possible sinon de reconnaître des phénomènes de même nature, s’ils venaient à se manifester sans s’annoncer en nom propre, ou s’ils investissaient le vocabulaire de leurs adversaires politiques d’hier, par anti-phrases, comme ce fut le cas pour le national-socialisme ou la “révolution nationale”.
Sans prétendre ici délivrer enfin la “bonne définition” du fascisme, l’accent sera porté sur trois questions préalables :
I — Dissolution et contournement de la notion fascisme
II — Le fascisme comme catégorie historique (ou le pourquoi ? du fascisme)
III — Le fascisme comme catégorie politique (ou comment le reconnaître ?)
Contribution Centre de Sociologie Historique et CAPES
NOTE
(1) Robert O. Paxton, le Fascisme en action, Seuil, 2004.
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