Position du problème : La notion de Souveraineté

(Voir aussi dans l’Encyclopédie thématique : Notion Souveraineté)

Au cours des dernières décennies, on a pu constater un effacement relatif de la notion de souveraineté (souveraineté du peuple, souveraineté de la nation) ou la critique de son principe. Le vocabulaire de l’identité (nationale, ethnique, culturelle) (1) s’est trouvé mis au premier plan. Dans l’actualité récente, le mot souveraineté semble avoir regagné quelque faveur, le plus souvent au prix d’une grande imprécision conceptuelle ou du détournement du sens historique de la notion.

à cet égard, il est bon de chercher à savoir quelle est la nature de la réalité dont on prône la reconquête, et dont on constate aussi le dépérissement. Que loue-t-on, que critique-t-on quand on invoque le principe de “souveraineté”.

On peut partir de la “surface” du mot souveraineté, pour parvenir progressivement au noyau qui ordonne la notion. On examinera :

— Les acceptions courantes du mot et la critique qu’on peut en faire
— Le noyau qui ordonne la notion : souveraineté et constitution du sujet politique, sous deux angles : la souveraineté en général, la souveraineté du peuple, et ses conditions formelles (de forme) de constitution.
— Le fondement de toute critique de la souveraineté du peuple, en tant que dénégation d’un possible règne des hommes sur leurs propres affaires, c’est-à-dire aussi celles de leur monde, le monde.

On désignera auparavant quelques enjeux politiques liés à la notion.

Un premier enjeu touche au rapport entre identité et souveraineté, en matière politique, enjeu qu’on peut résumer par la question suivante : revendiquer l’identité d’une nation ou d’un peuple, est-ce la même chose que vouloir imposer, défendre sa souveraineté ?

Autre enjeu pour partie lié : peut-on poser deux principes de souveraineté dans une entité politique donnée, c’est-à-dire l’existence de plusieurs puissances qui donnent la loi, déterminent les orientations pour une nation, un peuple ? Enfin, si l’on parle d’un principe de souveraineté, quelle puissance, qui, quel souverain, se trouve posé comme étant celui qui donne la loi, les orientations.

Le souverain peut relever du règne humain (roi, oligarchie, peuple en corps), mais il existe aussi des souverainetés de fait, celles qui se présentent comme régies par un ordre placé au-dessus des hommes, ordre qu’on pourrait nommer “méta humain”, qu’il s’agisse de Dieu, du marché, de la “communauté de destin”, semblant s’imposer au-dessus de la souveraineté politique.

La question n’est pas : y a-t-il ou non de la souveraineté ? Mais, qui est souverain ? qui, quelle puissance, donne en dernier ressort la loi à l’ensemble ? En sachant qu’il existe toujours des conflits entre principes et titulaires de la souveraineté. Et que quand on croit prendre parti contre une souveraineté donnée, on prend de fait parti pour une autre. Par exemple : pour la souveraineté d’un roi contre la souveraineté du peuple, ou l’inverse ; pour la souveraineté de la nation contre celle d’un Empire, ou pour la souveraineté d’un État supranational, contre une souveraineté nationale. Et d’agissant d’un Empire (par exemple l’Europe), pour quel centre effectivement dirigeant ?

Plus généralement, on se positionne, ou on est toujours positionné, dans un conflit entre souverainetés effectives ou de principe : du bien commun contre les intérêts particuliers, et inversement, d’un principe placé dans le règne humain ou au-dessus de lui.

Acceptions courantes

Pour aider à saisir “l’épaisseur” de la notion de souveraineté, on partira de ses valeurs superficielles. Dans la conjoncture intellectuelle du moment, certains usages spontanés du mot souveraineté, comme les premières valeurs d’emploi données dans les lexiques ou dictionnaires, privilégient une quasi-équivalence entre souveraineté, et, autorité, domination, pouvoir — pouvoir de commander et de contraindre —, pouvoir qui l’emporte sur les autres, droits de domination, droits de l’État, et finalement l’État lui-même.

Ces valeurs d’emploi ne rendent pas compte du noyau central qui ordonne la conception moderne de la souveraineté, au moins depuis Bodin (indépendance, ne tenir sa loi que de soi). Il y a amalgame entre ce qui représente au mieux un attribut, non nécessaire, de la puissance souveraine (pouvoir, contrainte, domination) et la souveraineté elle-même.

Des juristes allemands, Laband, Jellinek, Carl Schmitt, entre autres, ont affirmé que le critère de souveraineté (indépendance) associé aux formations étatiques n’avait qu’une valeur historique, spécifiquement liée à la formation française. Les notions de pouvoir de domination, pouvoir de commandement et de contrainte, suffiraient selon eux à donner le signe distinctif de l’État. La substitution du critère de pouvoir de domination à celui de souveraineté, va dans le même sens que la substitution de sens opérée à propos du concept d’état : de l’État en tant qu’association politique souveraine, qui domine dans la tradition juridique française, à une formalisation appauvrie : l’État en tant que simple puissance, pouvoir de coercition.

Dans un usage non conceptualisé du terme souveraineté, on a pu aussi associer souveraineté et despotisme, ou parler de « souveraineté archaïque », ou de « notion médiévale », en totale contradiction avec l’évolution du sens du mot, qui se forme précisément en France dans une lutte contre les “formes médiévales”, au sens de rapports féodaux, entre le XIIe et le XVIe siècles. On peut à cet égard comparer l’évolution de deux mots qui ont une étymologie commune, souveraineté et suzeraineté [Suvrainetet et suserenete]. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le mot souveraineté se serait formé en premier au début du XIIe siècle, dans une période historique marquée, en France, par un premier ébranlement des structures féodales. Le mot suzeraineté ne se serait formé, analogiquement, qu’au début du XIVe siècle, dans une période de lutte entre forces sociales marchandes et formes féodales. Le mot suzeraineté demeurant lié à l’idée féodale, à celle de patrimoine personnel, de fief, de hiérarchie féodale, de rapports de domination fondés sur des rapports personnels, tandis que le mot souveraineté se trouve associé à la formation de rapports économiques et politiques modernes, de plus en plus dissociés des liens personnels.

Dans l’usage courant pourtant, la notion de souveraineté est souvent confondue avec une personne, le tenant de la puissance souveraine, le souverain, en général assimilé à un roi (alors que le souverain dans la théorie politique peut aussi bien être un prince que le peuple, et qu’on a pu désigner d’autres souverains, la nature, Dieu, la concurrence, etc.)

En confondant souveraineté et pouvoir (ou domination), souveraineté et détenteur de la puissance souveraine, souverain et roi, on manque le noyau essentiel de la notion. D’autres définitions, tirées des manuels et lexiques se réfèrent toutefois à ce noyau : l’idée d’excellence, de bien suprême (souverain bien, remède souverain), l’idée de juridiction supérieure, en dernier ressort, de décision qui n’est pas soumise à une autre (Cour souveraine). Et surtout l’idée de souveraineté comme indépendance d’un être, “maître chez soi”, non dirigé par un autre (Dictionnaire Bachelet 1862 : « liberté, dépendre de soi-même, ne pas être la créature d’un autre » ; Lexique de Science politique, 1972 ; « pouvoir de se donner sa propre constitution » ; Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l’état, 1920 : « caractère d’une puissance indépendante ayant plénitude et exclusivité de ses compétences sur son territoire »).

La souveraineté, conçue comme maîtrise de ses propres conditions d’existence, se présente sous deux angles : souveraineté externe, souveraineté interne. La souveraineté externe, vaut pour signifier l’absence de subordination à d’autres états, d’autres volontés ou lois extérieures, la souveraineté interne l’absence de subordination à des lois privées (privilèges de corps ou communautés particulières). Carré de Malberg souligne le lien entre les deux facettes de la souveraineté. La souveraineté interne n’est possible que si la loi n’est pas donnée par un autre à l’extérieur (Empire, État supranational), et corollairement il n’y a souveraineté externe possible que si s’impose une seule loi commune interne.

Le principe d’indépendance, de maîtrise de ses propres lois, s’inscrit plus généralement dans le cadre d’une conception du monde qui admet une possible souveraineté du règne humain sur les affaires humaines, la possibilité pour l’homme ou pour des groupes humains de devenir sujets de leur histoire. Cette souveraineté de l’ordre humain peut être absolue ou relative. L’obéissance aux lois divines peut être maintenue, non l’obéissance à l’égard de puissances humaines en rivalité.

Le principe de maîtrise absolue sur les affaires humaines peut être opposé aux lois divines, mais non nécessairement (2), mais plus encore à l’idée de lois positives, transposition de lois économiques naturalisées, réputées « incontournables » et supérieures à la volonté des hommes. Ce principe peut aussi être opposé à l’encontre de supposées « communautés de destin » s’imposant au-dessus des volontés humaines. Le principe d’une possible indépendance du règne humain s’oppose ainsi tant à l’anti-humanisme des théories contre-révolutionnaires, qu’à toute idée d’un déterminisme absolu sur les actions humaines.

à l’inverse, la critique de la souveraineté, interne ou externe, est toujours fondée d’une façon ou d’une autre, sur le postulat d’une impossible souveraineté de l’homme en général, et la mise en avant de déterminations situées hors de lui-même, dans un Grand Autre, les lois de la science, ou de la concurrence (libéraux du XIXe siècle), la vocation d’une “race”, d’une “culture” particulière, d’une entité imaginaire préposée avant même toute institution (telle “l’Europe”).

Par rapport à cette question de l’impossibilité ou de la possibilité d’un règne humain, on distingue deux attitudes :

On peut postuler que les hommes, le peuple, ne puissent jamais devenir sujets de leur histoire. L’homme ne pourrait jamais atteindre sa qualité propre d’homme, la liberté, ici au sens de capacité à décider ce qui est bon pour soi ou pour le bien commun. C’est la théorie contre-révolutionnaire, comme celle des libéraux. Mais aussi celle de ceux qui placent la “communauté” comme devant régler le devenir des individus.

On peut aussi estimer, et il s’agit là d’un postulat distinct, que les hommes, ou les peuples, ne sont pas sujets souverains, tant que les conditions générales qu’ils ont eux même produites, les dominent encore. Ici, la non réalisation de la capacité souveraine, ne signifie pas son impossibilité. L’homme peut s’atteindre lui-même, si les conditions de sa liberté sont créées, le peuple peut et doit maîtriser son propre devenir, en fonction même des potentialités présentes dans la société, c’est la position de Rousseau et de Marx.

Le noyau qui ordonne la notion de souveraineté

Pour comprendre comment se forme la notion moderne de souveraineté, il faut se reporter au contexte de sa formation. La notion de souveraineté en tant que catégorie historique se forge dans une lutte contre deux sortes de dépendance, à l’intérieur contre les dépendances féodales, à l’extérieur contre les prétentions à la domination universelle de l’Empire, en alliance avec l’une ou l’autre des factions féodales. La souveraineté est ce qui constitue, ou donne sa forme, à un sujet politique indépendant, qu’on le nomme République, État, ou nation. Une phrase du juriste Loyseau illustre bien cet ordonnancement central :

« La souveraineté est la forme qui donne l’être à l’État » (État est ici à prendre au sens de corps politique).

à rapprocher de Bodin : « la souveraineté est l’âme de la république », « la souveraineté est la puissance absolue, perpétuelle, inaliénable, indivisible, d’une république ».

Dans l’Encyclopédie moderne de Courtin, 1831, on trouve une idée similaire : « souveraineté, puissance qui constitue la société, réunit les hommes en corps de nation et leur donne une volonté unique ».

S’agissant de la première formulation de Bodin : “âme de la république”, il ne s’agit pas de comprendre âme au sens religieux, mais en saisissant le principe directeur de la forme prise par un corps déterminé pour une finalité donnée, par exemple, l’âme d’un canon constitué du volume cylindrique intérieur (vide), principe directeur de sa forme et conforme à sa finalité.

Se greffant sur la seconde formule (puissance absolue d’une république), Bodin précise : « la souveraineté n’est limitée ni en puissance, ni en charge, ni en temps ». Et il indique que puissance absolue ne signifie pas despotique, mais non limitée par des lois prétendant s’imposer au-dessus de celles que la république se donne. Le souverain est souverain sans le consentement d’autres puissances, plus grandes, pareilles ou moindres (contre l’Empire et les pouvoirs partiels des féodalités). Sur le domaine de la république, il n’y a pas de volonté au-dessus, ou au même niveau qu’elle, pas de souverain juge du souverain (que le souverain soit un roi, le peuple, l’aristocratie).

Le souverain n’est pas « sujet aux lois », il donne la loi, il ne se lie pas les mains (contre le principe de subordination absolue aux “lois fondamentales”). Même la coutume, les lois passées, ne peuvent asservir le principe souverain. C’est la volonté souveraine qui peut donner ou non force aux coutumes. Le souverain n’est pas tenu de conserver les lois de ses prédécesseurs. La souveraineté, comme dans la thématique de Rousseau, est une puissance active.

La souveraineté est perpétuelle, c’est dire qu’elle ne dépend ni du temps, ni du souverain en place, ni de la forme de l’État (monarchie, aristocratie, ou démocratie). Elle est perpétuelle, ce qui ne veut pas dire éternelle, au sens où elle se perpétue tant que la république se perpétue.

Par définition, la souveraineté est inaliénable, l’aliénation de la souveraineté revient à la dissoudre.

La souveraineté est indivisible ici encore par définition, on ne peut la “partager” avec une autre puissance. La souveraineté suppose l’existence d’un principe commun de cohésion, dont la loi. La division réintroduit des principes au-dessus des lois de la république ou qui entrent en contradiction avec elle.

Ce qu’est la souveraineté dans son principe essentiel

Avant la théorisation de Jean Bodin que l’on détaillera dans l’exposé suivant, la notion de souveraineté s’attachait surtout à l’idée de puissance non vassale d’une autre. Avec lui, la souveraineté n’est pas à chercher d’abord dans un titulaire. C’est la clé de voûte de l’édifice du droit politique, celle qui ordonne les autres concepts.

Bodin ne superpose pas la plus haute définition théorique de la république et son processus de formation effectif, qui peut être fondé sur la violence, sur le seul glaive. Il récuse l’idée qu’il suffit d’un chef, d’un pouvoir, pour qu’il y ait souveraineté. La souveraineté n’est pas ce qui caractérise le pouvoir d’un chef, c’est ce qui constitue la république.

La définition théorique posée donne la finalité à laquelle tend le mouvement spontané, la politique est alors l’art d’ordonner le développement vers sa définition. Pour faire saisir ce qu’est la souveraineté, dans sa définition théorique, Bodin se sert d’une analogie de rapports. Il ne se contente pas d’user d’une métaphore organique, celle du corps humain, il prend pour support de son analogie, un produit de l’art humain, une construction humaine, conçue en vue d’une fin définie, un navire, et le principe directeur autour duquel s’ordonne sa construction.

La souveraineté est l’armature de la république, comme dans un navire l’armature centrale est constituée de l’ensemble « quille, proue, poupe, et tillac », qui est l’articulation centrale, qui fait « tenir ensemble » les différents éléments, leur donne leur cohésion. Sans la souveraineté, le corps politique de la république, est comme le navire, démembré. Sans la quille, la proue, la poupe, le tillac, il n’y a plus un navire, mais des morceaux épars de bois. De la même façon, la république sans souveraineté n’est plus la république, mais des éléments disparates sans principe de cohésion.

A l’origine du processus de formation des républiques (question distincte de celle de la conceptualisation de cette catégorie), Bodin parle de familles, villages, en lutte les uns contre les autres, qui finissent par s’allier en société pour se défendre contre d’autres, ou les assaillir. Le premier élément commun dans la formation des sociétés est ainsi le besoin de défense ou de conquête. Il ne s’agit pas encore de république. Les assemblages de lignées et communautés se transforment en république par la puissance souveraine qui donne cohésion à l’ensemble, changeant la nature du groupement.

La république comme le navire, trouve sa légitimité tout à la fois dans sa forme et dans sa finalité, la forme permettant d’atteindre la finalité de sa constitution.

Sa légitimité découle de sa finalité, la poursuite d’un bien commun, contre les divisions et luttes destructrices. La souveraineté en donnant sa cohésion à la république rend possible l’atteinte du but. Il n’y a pas à chercher de légitimité dans un principe extérieur, si ce n’est le respect de la raison naturelle, qui place le bien public comme supérieur aux biens particuliers.

Le passage de l’idée de souveraineté, attribut d’un pouvoir, à l’idée de souveraineté comme principe de cohésion, conduit à ce que la puissance développe un caractère public. Le droit de majesté est attaché au souverain, pour autant qu’il est puissance publique, contre des puissances privées, qui peuvent être les régimes seigneuriaux fondés sur la force.

En fonction de ce qu’est la souveraineté dans sa définition essentielle, Jean Bodin distingue formes de l’État et formes du gouvernement.

La forme, ou « l’estat » d’une république, dépend de ceux qui tiennent la souveraineté : tenue par un seul, c’est une monarchie ; par tout le peuple en corps, un état populaire ; par une moindre partie du peuple en corps, une aristocratie.

Le mélange des principes de souveraineté est impossible. Un seul type de corps politique peut donner la loi. Il faut chercher où est la souveraineté effective en regardant qui a puissance de donner la loi, en nom particulier ou général (ainsi selon lui, l’Empire d’Allemagne n’est pas une monarchie mais une aristocratie).

La forme du gouvernement pose des modalités de pouvoir, d’exécution, d’administration, mais le gouvernement ne donne pas la loi. Du point de vue de la forme du gouvernement, il peut y avoir des solutions mixtes. On peut avoir souveraineté d’un monarque et gouvernement populaire, aristocratique ou royal. On peut avoir souveraineté du peuple en corps, et gouvernement monarchique, aristocratique, populaire. On peut avoir souveraineté d’une aristocratie en corps, et diverses formes de gouvernement.

Toujours en relation avec le principe essentiel qui ordonne le principe de souveraineté. On verra dans l’exposé suivant comment Jean Bodin établit qu’elles sont les marques de la souveraineté, dont la principale est la puissance de donner et casser la loi (puissance active), sans consentement d’autrui (ni des princes extérieurs ou antérieurs, ni des coutumes). La loi, modalité de la puissance souveraine, atteste de l’indépendance de l’État. Le souverain a le pouvoir de donner la loi à tous, et d’empêcher les lois particulières, ou l’imposition de lois extérieures à la république.

Par rapport à l’ancien Imperium, fondé surtout sur le droit du glaive et l’effectivité du droit, la modalité essentielle de l’exercice de la puissance souveraine est la Loi. Ainsi Bodin définit plus un État « de loi » qu’un État de droit. La loi, à la différence du principe de l’effectivité du droit, implique à terme une unification-égalisation de tous par rapport à la loi commune

Les autres marques, quant au fond dépendantes de la première, sont : décerner la guerre et la paix, instituer les principaux officiers (ministres, administrateurs de l’État), juger en dernier ressort, puissance de grâce. à noter que la coercition, la contrainte, ne sont pas des marques de souveraineté. Seul le commandement constitue une modalité d’exercice (secondaire) de la puissance souveraine.

Question: Comment le peuple peut-il être souverain?

Pour qu’un peuple puisse exercer sa souveraineté, une condition préalable est requis : que soit constitué un cadre de souveraineté, qui ne soit pas dans la dépendance d’autres puissances (à l’extérieur ou à l’intérieur). Mais cette conditions nécessaire n’est pas suffisante. La question centrale est celle de la formation d’une volonté une du peuple. En cela réside toute la difficulté, car le peuple n’existe pas dans un corps physique naturel (comme un roi), l’existence physique n’existe que dans des individus distincts, à la différence d’un monarque qui peut superposer un “corps politique” sur un corps physique, même si déjà ici le problème de “l’unité de volonté” demeure posé.

La possibilité d’une souveraineté du peuple se heurte à un problème “de forme“ : comment faire pour que le peuple puisse être constitué en sujet politique, ayant un “moi commun”, une “volonté commune”. Comment constituer le peuple en être, alors qu’il n’est pas un “corps naturel“ ?

Il n’y a possible souveraineté du peuple que celui-ci est institué par une association politique en corps artificiel (artificiel = produit de l’art humain). En ce sens le peuple, conçu comme simple agrégat, ou présumé réuni par “l’appartenance” à une “race”, ou une “culture”  qui ne serait pas liée à sa formation historique, ne peut accéder à la capacité souveraine effective. Si l’on suit Rousseau, mais ce point ne sera pas ici développé, le peuple en tant que corps politique se réunit sur la base de la capacité souveraine des individus, sur la base d’une présupposition de l’égalité des hommes dans leur capacité à décider ce qui est bon pour leur conservation, et par extension ce qui est bon pour la conservation commune. L’institution du peuple en corps politique souverain, par le pacte social (et par le rôle que joue aussi le “Législateur”) donne les conditions d’expression de la volonté commune distincte de l’addition des volontés de tous. S’il y a dissolution de l’association politique, non respect des clauses du pacte, le corps politique se dissout, il n’y a plus de peuple (corps politique), et par conséquent plus de souveraineté effective du peuple.

NOTES
(1) Voir le Cours : Autour de la notion d’Identité
(2) Louis XI : Il n’y a pas de souverain dans l’ordre temporel au-dessus des rois. Dictionnaire Bachelet : Si certaines lois dépendent de Dieu, ni la raison, ni la volonté, ni les actes ne dépendent d’autres hommes.

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