Propagande

Fascisme et communisme deux conceptions antagoniques (*)

(Contribution SPE)

Pour protéger le régime capitaliste du possible développement des aspirations populaires à une transformation socialiste de la société, les idéologues à la mode s’efforcent de faire du communisme un repoussoir. Dans ce but, ils ont tenté et tentent encore de poser une équivalence entre communisme et fascisme (ou nazisme).

Pourtant, dans la réalité historique, fascisme et communisme poursuivaient des buts antagoniques. Au plan économique, une des cibles essentielle du fascisme était le régime socialiste de production qui avait mis fin à l’anarchie capitaliste et à son régime de crises. Au plan politique, l’organisation communiste, en tant que maître d’œuvre de ce processus de transformation sociale, devait en conséquence être considérée comme l’ennemi à abattre (objectif, qui sous d’autres formes est plus généralement celui des tenants du régime capitaliste).

Dans cette contribution, on ne se propose pas d’analyser quelles oppositions fondamentales existent entre fascisme et communisme. On voudrait juste, sur la base des textes, montrer en quoi les conceptions de la propagande du fascisme et du communisme sont en tous points opposées.

La conception communiste de la propagande

Pour les dirigeants marxistes révolutionnaires, de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, tels Marx, Plekhanov ou Lénine, la propagande est conçue comme un moyen d’élever la conscience des masses sur les contradictions objectives de la société, sur les buts à atteindre, la stratégie politique, la tactique, etc. La propagande selon eux doit s’appuyer sur le travail théorique et d’analyse. Elle ne vise pas à manipuler les masses, faire miroiter des chimères. Il ne s’agit pas non plus de se contenter de fustiger l’adversaire, mais de donner à voir au peuple les conditions générales de ses luttes et les moyens de progresser.

Marx indiquait en ce sens :

« Nous ne nous présentons pas au monde en doctrinaires avec un principe nouveau : voici la vérité, à genoux devant elle ! Nous apportons au monde les principes que le monde a lui-même développés en son sein. [Nous ne disons pas] nous allons te crier le vrai mot d’ordre du combat. Nous lui montrons seulement pourquoi il combat exactement, et la conscience de lui-même est une chose qu’il devra acquérir. »

S’intéressant aux distinctions et liens entre propagande et agitation, Lénine précisait :

« […] Un propagandiste, s’il traite par exemple le problème du chômage, doit expliquer la nature capitaliste des crises, montrer ce qui les rend inévitables dans la société moderne, montrer la nécessité de la transformation de cette société en société socialiste, etc. En un mot, il doit donner « beaucoup d’idées » [même si] du premier coup, toutes ces idées prises dans leur ensemble ne pourront être assimilées que par un nombre (relativement) restreint de personnes. »

Lénine établissait le lien entre propagande et travail théorique. Il critiquait ceux qui imaginent qu’on peut développer la conscience sur la base des formes les plus étroites de l’action pratique, ainsi que le faisaient les opportunistes. Selon lui, tout rapetissement ou éloignement de l’idéologie socialiste [marxiste], devait conduire au renforcement des divers courants de l’idéologie bourgeoise. Le développement purement « spontané » du mouvement ouvrier conduisant en effet à se mouler dans les cadres de pensée « spontanés » de la société capitaliste.

Lénine précisait cette conception :

« Quiconque attire l’attention, l’esprit d’observation et la conscience de la classe ouvrière uniquement ou même principalement sur elle-même, n’est pas un social-démocrate [dénomination des révolutionnaires à l’époque] ; car pour bien se connaître elle-même, la classe ouvrière doit avoir une connaissance précise des rapports réciproques de toutes les classes de la société contemporaine. »

Développer la conscience de soi de la classe ouvrière et celle de la réalité du monde, comprendre, connaître les conditions de sa transformation, les perspectives possibles, les conditions générales de la lutte, tels étaient et devraient encore être les maîtres mots d’une propagande communiste effective.

La conception fasciste de la propagande

Des idéologues fascistes, tels Mussolini, Goebbels ou Hitler, ont bien posé les objectifs et les moyens de la propagande fasciste, qui diffèrent du tout au tout de la conception communiste. On en donnera un aperçu sur la base de textes publiés par Hitler.

La propagande, telle que l’envisageaient les nazis, vise selon Hitler à propager les idées fascistes au sein d’un « matériel humain à malaxer ». Elle doit trouver une forme adaptée à cet objectif. Il ne s’agit pas ici de proposer une « analyse objective de la réalité », de viser à éclairer les consciences, ou « l’équité doctrinaire », à « doser le bon droit des différents partis ». Selon Hitler, la propagande fasciste ne recherche pas objectivement la vérité si celle-ci est favorable aux autres, elle souligne « exclusivement le bon droit du parti que l’on représente ».

Pour les fascistes, qu’ils se nomment ainsi ou non, les opinions, les points de vue ne se forgent pas en fonction de l’expérience et des connaissances des individus, ils sont suscités par le martèlement des idées fascistes, pourvu que celui-ci soit persévérant et persuasif. La propagande, toujours selon Hitler, doit s’adresser à la masse la moins éduquée politiquement, aux mécontents, aux diverses classes menacées, même si leurs intérêts sont incompatibles. Elle doit revêtir une forme « psychologiquement appropriée à la mentalité des masses », qui selon lui ont une « capacité d’assimilation restreinte », les masses étant peu accessibles « aux idées et raisonnements abstraits ». Les masses sont pour les nazis « comme les femmes », présumées dominées par les sentiments, l’instinct, la paresse intellectuelle et la présomption. User d’objectivité avec la masse serait faiblesse, car celle-ci ne reconnaît que la force.

On voit par là le mépris des fascistes à l’égard de la capacité de conscience du peuple (et notamment des femmes !).

L’âme de la masse est considérée comme une « partie de la nature », ne concevant que la victoire du plus fort, admettant « l’assujettissement et l’anéantissement du plus faible ». La propagande fasciste, on peut le constater, ne se propose nullement d’élever les consciences, les facultés rationnelles des classes populaires. Elle prétend au contraire s’appuyer sur « les ressorts des passions fanatiques ». Il ne faut pas « instruire scientifiquement » l’individu isolé, indique toujours Hitler, mais « empoigner la masse dans le domaine des sentiments », faire appel à des « forces mystérieuses ». L’art de la « réclame politique » n’a rien à voir ici avec l’explication scientifique. Plus la teneur scientifique est modeste, plus elle s’adressera exclusivement aux sens de la foule, plus son succès sera décisif.

Ne se fondant pas sur la conscience, la raison, la propagande fasciste procède par formules concises, concentrées, capables de faire pénétrer des formules stéréotypées, sur des points peu nombreux, constamment repris sans modification, des idées forces répétées avec opiniâtreté. L’exact opposé de la conception de Marx ou de Lénine, qui s’appuie sur un travail théorique et d’analyse, donnant « beaucoup » « d’idées » afin de développer la connaissance des situations historiques et des conditions de la lutte.

Selon la conception fasciste, afin de ne pas éparpiller les forces combatives sur des ennemis multiples, l’attention doit au contraire être concentrée sur une seule idée force, un seul ennemi, amalgamant en lui tous les ennemis, « mettant dans le même tas une pluralité d’adversaires les plus variés pour qu’il semble à la masse de nos propres partisans que la lutte est menée contre un seul ennemi ».

***

Si l’on se réfère aux points de vue ici rapidement évoqués, l’opposition entre la conception fasciste et la conception communiste (historique) de la propagande ressort clairement. On peut déplorer que pour l’essentiel, les discours politiques actuels se soient parfois abaissés à imiter certaines des recettes de la propagande fasciste, plutôt que de travailler à élever la conscience et la connaissance de la réalité du monde. Lors des périodes de désorientation politique, au cours desquels les mots sont détournés de leur sens, il est ainsi plus nécessaire que jamais de se demander à quelle conception de la propagande on a vraiment affaire de la part des différents courants qui s’agitent sur la scène politique

 

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