Le collectivisme guesdiste. La conception de Georges Dazet

[Contribution du Centre de Sociologie Historique]

Position du problème

Les conceptions des socialistes français du XIXe siècle sont mal connues. Pour la première partie du siècle, on se borne souvent à les “ranger” dans la catégorie des Socialistes utopiques, c’est-à-dire non “scientifiques”, pour s’inspirer des formulations de l’opuscule de Frédéric Engels, Socialisme utopique et socialisme scientifique (extrait de son Anti Dühring). On ignore d’ailleurs que la prise en considération tardive par Engels des courants socialistes du tout premier XIXe siècle (avant 1840) se présente comme simple compilation de l’ouvrage de l’économiste libéral, Louis Reybaud, Etudes sur les Réformateurs ou Socialistes Modernes, Saint-Simon, Charles Fourier, Robert Owen (1e édition en 1841). Cette compilation en outre ne tient pas compte des divers socialismes, “utopistes”, “humanitaires” (Cabet, Leroux, notamment) mis en scène dans l’édition de 1848 de l’ouvrage de Louis Reybaud. Engels ne se préoccupe pas davantage des thèses des socialistes français non utopiques des années 1840, clairvoyants analystes de l’anarchie fondamentale du mode capitaliste de production et d’échange, telle qu’elle pose historiquement la nécessité de son dépassement par un mode socialiste de production édifié sur un autre fondement économique (Louis Blanc, François Vidal, Constantin Pecqueur, entre autres).

Pour les non spécialistes, les thèses socialistes français de la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle sont tout aussi méconnues, si l’on excepte Jean Jaurès, y compris semble-t-il, au sein du courant “marxiste”. Ainsi, les conceptions du socialisme guesdiste sont perçues dans le meilleur des cas comme simples vulgarisations de la théorie de Marx, ou sous-produit de la social-démocratie allemande, le plus souvent comme relevant d’un dogmatisme étroit, sans aucun apport original. L’ouvrage de Georges Dazet, guesdiste, Lois collectivistes pour l’an 19…, donne au contraire à voir la profondeur théorique du courant guesdiste et sa contribution propre aux principes de l’édification concrète d’un régime socialiste (certains éléments des conceptions de Georges Dazet furent semble-t-il pris en compte par les soviétiques).

Les visées socialistes que projette cet auteur étaient partagées par une grande partie des organisations social-démocrates de l’époque. Lui-même évoque « l’admirable unité de pensée » des théoriciens, dirigeants et prolétaires quant aux finalités visées. Il tient à préciser que la perspective, d’ordre stratégique, d’édification du socialisme ne peut toutefois se réaliser sans prendre en compte les conditions concrètes propres à chaque formation historique. Dans ce cadre, la révolution russe de 1905 tout en se présentant comme forme spécifique d’actualisation de l’objectif commun, dans des conditions spécifiques, n’est pas tenu comme une aberration. Il en sera de même pour la révolution de 1917.

L’édification d’un mode socialiste de production n’est pas réduit par Dazet à une rationalisation de la production et une organisation “technicienne” des institutions. Une fois transformée la base économique de la société, une question demeure posée, question qu’il convient de résoudre de façon concrète : comment établir la correspondance entre la production sociale et les besoins sociaux, ceci dans des conditions et structures sociales déterminées. Il convient aussi tenir compte de disposition des forces de classes : nécessité de prendre appui sur les visées historiques portées par le prolétariat, en alliance avec la petite propriété, plus spécialement paysanne, moyennant en outre, dans le cas français, une certaine neutralisation des catégories bourgeoises liée à la production marchande sur la base de leurs intérêts (comme il en était le cas dans la conception de François Vidal).

On peut déplorer quelques failles d’ordre théorique dans l’exposé de Georges Dazet, au demeurant mineures (formation de la valeur). L’ouvrage témoigne de la qualité des débats de l’époque, du côté des partisans comme des opposants à une transformation radicale du régime social. Du côté des opposants, la polémique souvent ne se limite pas à une rhétorique de la dénonciation elle se pose sur un plan théorique. Du côté socialiste, les exposés ne se positionnent pas sur un terrain purement défensif, ils contraignent les adversaires à se situer sur leur propre terrain.

PLAN

I — Situer dans l’histoire l’ouvrage de Georges Dazet

II — La révolution russe de 1905 et l’actualisation du projet collectiviste

III — Les antagonismes du monde capitaliste et l’horizon socialiste en 1906-1907

IV — Socialisation de la propriété capitalisée, non de la propriété individuelle

V — Expropriation de la propriété capitaliste, indemnisation des seuls revenus du capital

VI — Organisation de la production en fonction des besoins sociaux et non en fonction du profit

VII — Les bons de travail, unité socialiste de valeur. Fonctions de la monnaie socialiste

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I — Situer dans l’histoire l’ouvrage de Georges Dazet

Pour la plupart des contemporains, y compris pour nombre de spécialistes de l’histoire du socialisme, le nom de Georges Dazet n’est pas évocateur (1). Les titres des divers ouvrages qu’il publia de 1888 à 1916, et plus spécialement ses Lois collectivistes, ne le sont pas davantage.

Il y a un peu plus d’un siècle cependant, ce dernier opuscule ne resta pas sans écho. En 1907, sous l’intitulé « Trois livres socialistes français », la Revue socialiste lui consacre six pages, confrontant les thèses qui y sont défendues à celles que développe Eugène Fournière, dans L’individu, l’Association et l’Etat, et Georges Renard dans le Socialisme à l’œuvre, ouvrages parus la même année. La Revue politique et parlementaire pour sa part en annonce la parution, dans les termes suivants :

« Que le lecteur ne cherche pas dans ce livre l’exposition d’un système construit a priori ; l’auteur a simplement entrepris d’esquisser, dans ses lignes principales — et il l’a fait avec une merveilleuse netteté — le destin législatif de la société collectiviste future, telle que paraissent la promettre les faits observés dès à présent et l’évolution scientifiquement probable qui doit aboutir à la transformation fondamentale de l’ordre actuel. »

Dans le numéro 97 du Socialiste (mars 1907), organe central de la SFIO plus ou moins lié au courant guesdiste, l’insistance est de la même façon portée tant sur le caractère pratique et concret de l’ouvrage que sur le fait que la société dans son ensemble semble à la veille d’une transformation des fondements de l’ordre social.

« “Il ne suffit pas, a dit Jaurès, de critiquer la société d’aujourd’hui : il faut ébaucher le plan de la société nouvelle.” Telle est la tâche que s’est assignée le citoyen Georges Dazet. »

« Il n’a pas eu la prétention de montrer, dans tous ses détails la société issue de la Révolution prochaine que tout annonce et que tous pressentent. Plus pratiquement, il essaie de tracer le cadre, à la fois ferme et souple, dans lequel pourra évoluer et se mouvoir une société d’où seront bannis les privilèges et la notion même du capital, et il y réussit pleinement. Cette œuvre s’imposait à l’heure où tant de gens parlent du collectivisme et le condamnent sans le connaître. Elle répond, dans la juste mesure, aux curiosités des hommes de bonne foi comme aux exigences des défenseurs du capitalisme qui sommaient sans cesse les collectivistes de leur dire ce que sera la société de demain. »

« La publication de ce livre dédié à Jules Guesde vient à son heure. Nous osons dire qu’elle est un événement. Avec son style clair comme l’acier d’une épée et son ironie enjouée, Georges Dazet, pique, traverse et pourfend les matamores du conservatisme et réduit leurs arguments en capilotade. »

Trois décennies plus tard, en 1936, dans le sillage d’une nouvelle crise, le livre de Gorges Dazet, se trouve de nouveau évoqué dans la Revue politique et parlementaire. Selon l’auteur de l’article, Maurice Ajam, la question de « l’organisation générale d’une économie révolutionnaire », dont semble-t-il, le plan général n’aurait pas été mené à son terme par Jaurès, se présente de nouveau comme d’actualité. Selon lui, « les réformateurs sociaux surgis depuis la grande guerre ont fait et font encore de fréquents emprunts » à l’étude de Georges Dazet. Il estime en outre « que plusieurs suggestions figurant dans ce travail ont été adoptées par les Soviets ».

 

II — La révolution russe de 1905 et l’actualisation du projet collectiviste

L’intérêt de la réédition des Lois collectivistes ne réside pas sans doute dans un apport théorique singulier, en tant qu’il serait propre à son auteur, il ressort des contenus que celui–ci développe, avec une verve polémique particulière, à ce qu’ils révèlent sur le contexte politique de l’époque, les perspectives économiques et politiques qui se trouvaient alors dressées. On pourra aussi noter la relative élévation théorique des débats du temps, qui à certains égards font contraste avec l’horizon historique et intellectuel quelque peu rétréci qui prévaut dans notre contemporanéité.

Dédié à Jules Guesde (2), l’ouvrage de Georges Dazet Lois collectivistes pour l’an 19.., semble avoir été rédigé dans la foulée des événements survenus en Russie en 1905. Il fournit ainsi une indication sur la “réception” de cette révolution au sein des partis socialistes de plusieurs pays européens, et plus généralement dans l’ensemble de la société. Un tel bouleversement survenant dans un immense pays qui pouvait sembler extérieur à la modernité, semble avoir remis à l’ordre du jour la “probabilité” d’une « transformation fondamentale de l’ordre actuel », ainsi que l’envisage la Revue politique et parlementaire. Pour le courant guesdiste, il apparaît qu’elle signale la possibilité d’aboutir à une nouvelle organisation sociale « d’où seront bannis les privilèges et la notion même du capital ».

Faisant référence à cette première révolution russe, Georges Dazet en dégage le caractère tout à la fois politique et économique, en tant que projection pratique des principes collectivistes que les divers partis socialistes du continent exposent en idée depuis plusieurs décennies.

« Heureux les Russes — si leur bonheur n’avait pas déjà coûté et ne devait pas coûter encore tant de sang et de larmes,  — heureux les Russes, qui semblent bien appelés à faire l’économie d’une Révolution. Je m’explique : d’un seul bond, et brûlant une étape, ils tentent de faire en un seul coup la Révolution politique, — que nous avons faite, — et la Révolution économique,  — qui nous reste à faire. »

Georges Dazet estime qu’il existe au sein du courant socialiste des différents pays, une unité de pensée au regard des finalités qui lui semblent visées par le processus révolutionnaire en cours : la suppression du capital, la remise à la nation des grands moyens de production sociale.

« On ne pourra manquer d’être frappé de l’admirable unité de pensée qui, par-dessus les frontières, en dépit des différences de race, de langue, de mœurs, d’institutions politiques, cimente en un seul bloc tous les socialistes. Chez les théoriciens de tous les pays, chez les membres de notre Conseil National de France, chez les dirigeants autorisés de la Social-Démocratie allemande, chez les prolétaires industriels déjà parvenus à la conscience de leurs intérêts de classe, jusque chez les moujicks russes, — socialistes qui se cherchent et s’ignorent peut-être, — chez tous, les mêmes vues d’avenir, le même but assigné à la Révolution : supprimer le capital, tout le capital, mais rien que le capital. »

Suivant avec attention le déroulement des événements russes, notamment les débats en cours à la Douma, Georges Dazet reproduit dans son ouvrage le projet de socialisation du sol présenté à la Commission de la réforme agraire par le Parti du travail (3). Il en souligne le « principe fondamental », qui lui semble reproduire les dispositions de son propre projet, plus spécialement la distinction qu’il établit entre propriété de forme capitaliste et propriété de forme individuelle. Il tient à souligner l’intérêt de l’article inaugural qui ferait de la terre, du sous-sol et des eaux un fonds commun, « domaine éminent de la nation », tout en accordant la terre à « ceux qui la travailleront de leurs propres bras. » Il fait aussi état de possibilités d’expropriation autres que la terre, touchant à des formes de propriété ressortant des modes privés d’exploitation de ressources sociales.

 

III — Les antagonismes du monde capitaliste et l’horizon socialiste en 1906-1907

Il y a un peu plus de cent ans, comme il en est le cas aujourd’hui, les pays du capitalisme sont affectés par les conséquences de la crise générale du régime, ce qui contribue à redonner actualité aux débats sur le collectivisme comme moyen pour résoudre les antagonismes inhérents à ce mode de production. La discussion sur les moyens de résoudre la “question sociale” est à l’ordre du jour, la Revue socialiste évoque à cet égard la « floraison d’écrits sur la réalisation et l’organisation du système socialiste » (4), écrits auxquels peuvent répondre les critiques des tenants des courants de pensée réformistes ou conservateurs.

La visée socialiste ou collectiviste se définit alors sans équivoque. Dans la lignée de la pensée d’un Sismondi et des socialistes français du premier XIXe siècle, il s’agit d’abord de supprimer le fondement de “l’anarchie de la production” dans le régime capitaliste, anarchie qui se révèle avec plus de violence lors de ses crises générales. La prise du pouvoir, par la voie parlementaire ou la voie révolutionnaire n’en constitue que le moyen. Instaurer une économie socialiste implique d’éradiquer toute forme capitaliste de propriété, à fin de restituer les moyens sociaux de la production à la nation et aux travailleurs. Les principes collectivistes que Georges Dazet s’efforce de traduire en lois s’inscrivent dans un tel cadre (5). Il refuse de se borner à dénoncer les abus du capitalisme, et s’attache à proposer une législation organique qui en éradique les fondements. Faute de quoi, les mêmes causes produiront les mêmes effets : division et antagonisme des classes, inévitable déséquilibre entre production et consommation, dont découlent les crises de surproduction, la lutte pour les marchés, les guerres nationales et coloniales.

Avant tout, la richesse nationale doit être délivrée de son « attribut capitaliste ».

« Funeste attribut, qui est l’unique cause de tous les méfaits, dont le socialisme a depuis longtemps fait le compte ! Division de la société en deux classes, celle qui détient les instruments du travail, celle qui en est dépossédée : entre ces deux classes, et bien que les éléments en soient interchangeables, antagonisme essentiel, lutte inévitable ; nécessité pour la production marchande organisée non pour la satisfaction des besoins humains, mais pour le profit ; anarchie industrielle, et ruines causées par la concurrence sans frein ; nécessité pour les chefs d’entreprise de chercher à accroître la plus-value, créée par le seul travail des salariés ; impossibilité pour le producteur de racheter son propre produit, crises de surproduction, suivies de chômages, en sorte que par une scandaleuse et paradoxale conséquence, le producteur meurt de l’abondance même de son produit ; recherche au-dehors, pour la surproduction nationale et dans tous les pays capitalisés, des débouchés que le marché national refuse ; guerres nationales et guerres coloniales, provoquées les unes et les autres par les besoins du capitalisme. »

Dans la lignée d’un Sismondi, Dazet met l’accent sur les déterminations structurelles des crises capitalistes, de leur généralisation, qu’aucune politique de “l’offre” ou de la “demande” ne peut durablement résoudre. Il faut donc s’attacher à la cause de l’anarchie, aux divers maux qu’elle engendre : la forme capitaliste de la propriété.

« Tous ces maux naissent, comme l’arbre sort de la graine, du même germe empoisonné : le capitalisme. Dès lors n’est-il pas évident que, pour empêcher les efflorescences pernicieuses, il faut extirper le germe mauvais ? Il faut s’attaquer à la forme même de la propriété, il faut lui arracher son attribut capitaliste. »

« Aux yeux des socialistes, vouloir poursuivre l’émancipation intégrale des non possédants sans porter un coup mortel au privilège capitaliste, c’est rappeler ce fou qui, courant sous un grand soleil, essayait de dépasser son ombre. »

En soustrayant l’attribut capitaliste, et transformant le domaine voué au profit privé en service public ou social, le socialisme donne les conditions d’instauration de nouveaux rapports économiques et sociaux entre les hommes. La terre, le sol des villes, les constructions, les grands moyens de travail, agricoles et industriels deviennent propriété nationale et patrimoine social pour ceux qui sont dépourvus propriété. Ainsi, la législation collectiviste ne supprime pas la richesse nationale, mais sa forme capitaliste.

Comme d’autres socialistes de son époque, Georges Dazet estime en outre que le nouvel ordre collectiviste est porté par les conditions mêmes du développement capitaliste (6). Les progrès sociaux vont dans le sens du collectivisme, collectivisation et civilisation vont selon lui de pair. Il fait état d’une période où le « capitalisme à la limite, obéissant aux règles de son propre développement, éclatera et s’épanouira en collectivisme ». Il s’agit donc de dessiner la législation de la société future « telle que paraissent la promettre les faits observés et l’évolution probable », les lois devant délimiter les grandes lignes transformation à venir, telles qu’elles découlent de la transformation de la base économique. De la sorte les lois ne seront pas autre chose que les « rapports nécessaires découlant de la nature des choses ».

Il n’y a nulle prétention à proposer un système a priori, « Icarie ou Salente », pas davantage de prévoir dans le détail l’état social nouveau, seulement ses grandes lignes, celles qui touchent aux formes de propriété (7). Quant à la physionomie première du monde collectiviste elle dépendra pour une part de l’évolution du régime du capitaliste et du moment où sera accomplie la révolution.

 

IV — Socialisation de la propriété capitalisée, non de la propriété individuelle

Se préoccupant de la question des expropriations et de leur éventuelle indemnisation, Georges Dazet s’intéresse moins à la propriété en tant que notion générique qu’à la “forme dominante” de la propriété dans la société moderne : « la propriété capitaliste commande et domine les autres formes de propriété ». L’instauration d’un régime de production et d’échange socialiste ne vise que cette forme de propriété : « socialiser les moyens de production monopolisés […] ceux qui ont pris la forme de la propriété capitaliste », ou plus précisément « ne transformer en propriété sociale que la propriété déjà capitalisée ».

En distinguant, voire en opposant (8), propriété individuelle fondée sur le travail personnel et propriété capitaliste fondée sur la « fécondité du travail d’autrui », une voie se trouve ainsi ouverte à une alliance entre travailleurs industriels et petits producteurs indépendants dans la réalisation du socialisme. Il s’agit, du moins dans les premiers temps de l’édification, de consacrer l’abolition de la propriété capitaliste des instruments de production, et non de la propriété individuelle des instruments de production (9). C’est le capitalisme, non le collectivisme, qui consacre l’expropriation de la propriété individuelle fondée sur le travail personnel (notamment par la voie de l’endettement et de la spéculation). Bien que la forme individuelle de propriété puisse se révéler une entrave au développement des forces productives sociales, elle ne s’oppose pas à la réalisation générale du collectivisme. Il faut lui laisser suivre sa voie.

En supprimant la forme capitaliste de la propriété, les travailleurs peuvent ainsi devenir maîtres en forme collective des grands moyens de production et du domaine social, ou maîtres en forme privée de leurs propriétés individuelles.

Toutefois, pour Georges Dazet la socialisation des moyens de production n’implique pas nécessairement une gestion par la nation entière, il s’agit seulement de veiller par la législation à ce que la propriété capitaliste ne puisse trouver les conditions d’une reconstitution.

 

V — Expropriation de la propriété capitaliste, indemnisation des seuls revenus du capital

En juin 1906, la question de l’indemnisation de la propriété capitaliste est abordée à la Chambre. Celle-ci se fera-t-elle avec ou sans indemnités ? Millerand s’était prononcé pour la non indemnisation pour la grande industrie. Jaurès optait pour une expropriation avec indemnisation du capital, sous forme d’une contre-valeur exacte et intégrale, toutefois dépouillée de la capacité de produire de nouveaux profits. Georges Dazet pour sa part envisage une indemnisation non des capitaux, mais des seuls revenus des capitaux, sous forme d’une rente viagère servie par la nation pendant une ou deux générations. Cette rente ne permettrait d’acquérir que des moyens de consommation, non d’exploiter le travail d’autrui ou de reconstituer une propriété fonctionnant comme capital. Il s’agit, en douceur, de « tarir la source capitaliste ».

Tarir cette source suppose aussi que l’on annule tous les titres de créance dues au capital de forme financière : actions, parts d’intérêts, dettes privées et dette publique. On ne paie plus pour l’usage des routes écrit Dazet [du moins à cette époque !], ni pour toutes les infrastructures de la nation, produits du « séculaire labeur » de nos ancêtres, pourquoi devrait-on encore payer des intérêts (rentes, emprunts publics) pour l’utilité rendue par l’outillage collectif de la nation. La production nationale doit être soulagée de ce poids fort lourd.

« Il est évident, évident au point que nul n’y peut contredire, que si, du jour au lendemain, tout cet outillage, aujourd’hui rémunéré, devenait absolument gratuit, la production nationale soulagée d’un poids fort lourd, pourrait prendre un incomparable essor. »

Il ne s’agit pas pourtant de dénier toute vertu historique au mode capitaliste de production. Pour les collectivistes, le capital qui a pris la forme de moyens de production demeure après sa mort utile pour la production nationale. Simplement, il ne doit pas maintenir éternellement son étreinte. La durée d’existence de la propriété de capitaux producteurs de rentes — comme celle des produits de génie (inventions) qui fonctionnent comme capital — doit être limitée dans le temps. Les productions [et inventions] puisées dans le fonds commun, ne sont pas perpétuelles et transmissibles, une durée limitée doit leur être assignée afin que se dépouillant de leur “forme capital”, elles puissent entrer dans le patrimoine commun.

« Et ceci revient à formuler cette vérité élémentaire que, pour les services à en attendre, capital mort vaut mieux que capital vivant. Pour bien dire, le capital […] n’est vraiment utile qu’après sa mort. »

« Une fois mort, il laisse derrière lui le souvenir de ses vertus premières. »

Hélas, il est de la nature du capital, “vieillard à ambitions prolifiques”, de se vouloir toujours jeune, voire même de prétendre à l’immortalité de sa propre reproduction..

« L’existence du capital, une fois son office initial rempli, ne se manifeste que par des exigences toujours renaissantes : et cela est vrai du capital qui s’est employé dans les industries particulières comme du capital utilisé nationalement. »

« Malheureusement, il est de l’essence du capitalisme, — aussi peu modeste en ceci que certains êtres humains — de prétendre à l’immortalité. Mieux encore : proclamant son droit à vivre toujours, il veut vivre éternellement jeune, et se reproduire éternellement ; il se refuse à admettre que jamais vienne pour lui l’âge critique ; il lui faut chaque année des petits “mignons, et jolis et bien faits”, comme le désirent tous les pères. Mais il advient que, lorsqu’il prend de l’âge, ce vieillard à ambitions prolifiques apparaît à tous insupportable et ridicule. »

Une fois remplies leurs fonctions historiques, les ambitions du capital se présentent comme anti-sociales, elles n’aboutissent « qu’à laisser les morts étouffer les vivants ». De sorte qu’il semble que maintenant soit venue « l’heure du fossoyeur ».

 

VI — Organisation de la production en fonction des besoins sociaux et non en fonction du profit

Dans la société fondée sur un mode socialiste de production et d’échange, la production tout entière est combinée et agencée « en vue de l’utilité sociale » et non de profits privés. Il s’agit d’organiser de façon harmonieuse l’ensemble du cycle production / consommation, en fonction des ressources sociales et des besoins sociaux, de telle sorte que la société ne se trouve plus soumise aux aléas du « système actuel de la production, déréglé et anarchique, qui a pour but unique, et parfois décevant, le profit ». Les effets de ce système : concurrence, hasards de la spéculation, méventes, faillites, crises de surproduction, etc. destructeurs pour l’ensemble de la société, disparaîtront lorsque disparaître “l’attribut capitaliste”.

« Dans la société collectiviste, la production […] a pour objet de satisfaire exactement les besoins de tous, dans la mesure où le permettent les ressources naturelles et les forces humaines. Plus de place désormais pour la spéculation et tous ses hasards, pas plus pour les réalisations heureuses que pour les désastreuses liquidations. On produit non pas pour vendre, mais pour consommer ; on ignore les crises de surproduction et les horreurs de la mévente. L’ensemble des producteurs, dans un commun et harmonieux effort, travaille pour élever sans cesse le niveau du bien-être général. »

Par les mots de combinaison et agencement général de la production, au moyen de la socialisation de l’ensemble de la production et de « tout le produit du travail », l’idée d’une planification prévisionnelle de la production, en fonction des ressources et des besoins sociaux est assez bien rendue, bien que le mot ne soit pas prononcé. Les lois collectivistes dessinées par Georges Davez s’inscrivent dans la droite ligne des projets d’organisation sociale de l’ensemble de la production, telle que l’énonçaient déjà les théoriciens du premier socialisme français (10).

Mettant fin à la production en vue du profit, telle qu’elle se trouve livrée à “l’aveugle hasard”, le collectivisme établit la correspondance entre les besoins et les capacités productives de la nation. Pour ce faire, dans chaque circonscription, des sections de consommation et de production seront instituées, les besoins annuels évalués, ainsi que les ressources, moyens matériels, travailleurs disponibles, qualifications, besoins en outillage, matières premières, modifications et améliorations nécessaires, etc. Les deux sections sont réunies au sein de conseils territoriaux, puis dans un Conseil national de la consommation et de la production, en relation avec un ministère des statistiques. Sur cette base est établie une projection de l’ensemble de la production envisageable, et sa répartition selon les différentes branches (11).

« [Le Conseil national] après avoir mesuré avec des garanties d’exactitude […] les besoins prévisionnels de la consommation, se prononcera sur les moyens indiqués pour satisfaire ces besoins ; il statuera définitivement sur les propositions faites par les Conseils locaux, suppressions d’industries anciennes, création d’établissements nouveaux, changements des modes de culture, transformation ou augmentation d’outillage, etc. ; il déterminera la nature et la quantité des produits qui devront être demandés à l’étranger, soit contre produits déterminés, soit contre espèces […] »

Les différentes productions seront mises à disposition dans des magasins nationaux, qui ne seront pas nécessairement uniformisés, ni centralisés, mais dont l’organisation d’ensemble sera rationalisée.

 

VII — Les bons de travail, unité socialiste de valeur. Fonctions de la monnaie socialiste

Georges Dazet s’applique à recenser les divers arguments des adversaires des solutions collectivistes, dont on ne retiendra ici que la principale. Selon les tenants du régime marchand, “l’unité de valeur” se fixe « sur des données différentes pour le travail et pour le produit », il est donc impossible de déterminer une taxation capable d’égaliser la somme de ces deux séries différentes de valeurs. Le mode marchand de régulation par “l’offre et la demande” se présenterait ainsi comme étant le seul à même de réaliser spontanément l’équilibre entre production et consommation (pour peu que l’on fasse l’impasse sur la question des crises de surproduction capitaliste).

Georges Dazet ne réfute pas quant au fond le raisonnement des adversaires du collectivisme. Paraissant dans son argumentation confondre valeur et prix des marchandises, il ne conteste pas le fait que dans le capitalisme la valeur dépende de la seule loi de l’offre et la demande (et non de ce qui détermine en dernière instance cette valeur, sa « substance créatrice », le travail humain générique (12). Cette détermination ne s’appliquerait selon lui que dans le régime collectiviste. Cette méprise théorique n’affecte pas toutefois sa conception d’ensemble quant au principe général qui permettra dans le nouveau régime de parvenir à mettre en correspondance les rétributions des travailleurs et leurs productions (ou les bons de consommation issus du travail avec les produits de consommation). Ainsi le travailleur ne sera plus, comme dans le capitalisme, dans l’incapacité de racheter l’équivalent du produit de son travail, cette incapacité étant pourtant parfois soulignée pat les auteurs libéraux eux-mêmes.

Georges Dazet veut mettre en œuvre dans la société collectiviste ce qu’il peut nommer « la notion nouvelle de valeur » ou « conception socialiste de la valeur », dont, dit-il, on « fait couramment honneur à Karl Marx [qui] l’a poussée à un point de précision qu’elle n’avait jamais atteint avant lui, [mais qu’on] trouve déjà en germe dans les écrits des grands économistes anglais du XVIIIe siècle [et aussi du Français Constantin Pecqueur dans son mémoire de 1835] ».

L’unité de valeur pour les produits et pour le travail qui les a produit (rétribué en bons de travail) n’est « pas établie sur des données différentes » indique Dazet. La valeur, exprimée dans les bons de travail, s’échange contre la valeur exprimée dans d’autres bons de travail. Si le propos de l’auteur n’est pas toujours théoriquement limpide (13), tout se présente comme si la part (plus-value) appropriée par le capital revenait directement au producteur lui permettant de consommer [l’équivalent exact] du produit de son travail. Le travail porte « sa pleine récompense », chacun reçoit « tout le produit de son travail », « sous déduction cependant des charges publiques » [précision que l’auteur néglige souvent de rappeler].

La correspondance entre le travail fourni par les producteurs de richesses et la possibilité pour eux de consommer [en équivalent] des valeurs produites par d’autres est ainsi assurée. Edgar Milhaud, synthétise dans la Revue socialiste, cette mise en correspondance telle qu’elle se réalise à l’échelle de l’ensemble de la production sociale.

« Les valeurs de l’ensemble des produits de la société sont mesurées exclusivement par le nombre d’unités de travail fournies, les travaux complexes étant ramenés aux travaux simples. […] en représentation de ces valeurs, des bons [sont émis] en quantité rigoureusement correspondante, de manière à ce que l’universalité de ces bons donne droit à consommer l’universalité de ces valeurs. »

La valeur [des produits] dit Dazet peut dès lors être établie sur une base solide, échappant aux fluctuations de l’offre et de la demande [qu’il présume être au fondement des échanges dans le capitalisme]. Elle ne découle plus, indique-t-il, que de l’essence des choses : le travail mis en œuvre. Celui-ci sert de base pour déterminer l’unité de la nouvelle monnaie, en bons de travail ou bons nationaux, unité de valeur qui correspond à l’unité de travail simple pris comme étalon : soit l’heure de travail fournie dans des conditions d’activité ou d’habileté moyennes et normales (14), autrement dit l’heure de travail social (15).

« Tout produit, quel qu’il soit, est dû à la collaboration de la nature et de l’homme. La nature, bonne mère, prêtant gratuitement son concours, ses dons n’ont pas de valeur. Seul le travail humain est, comme dit Karl Marx, “substance créatrice de valeur” ; il doit donc en être la mesure. »

Dans ce cadre, la quantité des bons nationaux augmente ou diminue en fonction de la productivité travail national, des charges publiques, etc. Quant à la monnaie (en bons de travail), elle trouve place dans le collectivisme, mais, “monnaie socialiste”, elle n’est plus marchandise, mais simple signe de valeur. Rendue à sa stérilité naturelle, elle ne peut plus se reproduire comme capital portant par lui-même des fruits. Elle conserve cependant son utilité comme moyen de consommation — y compris productive —, moyen de mesure dans les échanges, monnaie de compte (sa forme importe peu, elle peut se matérialiser en en certificats de travail, jetons, pièces ou billets).

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Pour conclure, l’ouvrage de Georges Dazet, tel que son titre le dévoile, Lois collectivistes pour l’an 19…, donne à voir les perspectives socialistes dressées au début du précédent siècle, et ce qu’elles révèlent quant au rétrécissement de notre horizon historique propre. Ces perspectives étaient alors partagées par une grande partie des organisations socialistes de différentes nations.L’auteur évoque « l’admirable unité de pensée » des théoriciens, dirigeants et prolétaires quant aux finalités visées, même si chacun tenait à préciser — qu’il s’agisse de Kautsky, Lénine (16), Guesde ou Dazet lui-même — qu’il était indispensable pour leur réalisation de prendre en compte les conditions concrètes propres à chaque formation historique. On perçoit que dans ce cadre, la révolution russe de 1905, puis celle de 1917, ne se présentent pas comme des aberrations mais comme formes spécifiques d’actualisation de l’objectif commun, dans des conditions propres (celles-ci se révélant tout à la fois particulièrement difficiles en Russie au plan de la base économique et des institutions politiques, et relativement favorables du point de vue de la disposition des forces de classes).

A la lecture de l’ouvrage, on peut aussi percevoir qu’il ne s’agit pas seulement pour le projet socialiste que Georges Dazet développe, de viser une simple rationalisation de la production ou une organisation quelque peu “techniciste” des institutions, comme semblait le projeter un Lucien Deslinières. La question est posée de la disposition des forces de classes qui seule peut rendre possible le processus de socialisation des moyens de production. Ce processus en effet ne peut être mené à son terme sans prendre appui sur les visées historiques portées par le prolétariat, en alliance avec la petite propriété, plus spécialement paysanne, et moyennant, dans le cas français, une certaine neutralisation des catégories bourgeoises du monde marchand liée à la production.

Enfin, même si l’on peut déplorer dans l’exposé de Georges Dazet quelques failles, au demeurant mineures, au plan théorique, l’ouvrage témoigne de la qualité des débats de l’époque. Du côté des partisans comme des opposants à une transformation radicale du régime social, il semble que la polémique ne se limite pas à la rhétorique de la dénonciation, qu’elle tend plutôt à se placer dans le champ de la discussion théorique. On constate en outre que le courant socialiste ne se positionne pas alors sur un terrain purement défensif, qu’il contraint au contraire ses adversaires à se situer sur son propre terrain.

 

NOTES

(1) Les données touchant aux détails de l’itinéraire politique de Georges Dazet sont succinctes. Né et mort à Tarbes (1852-1920), c’est un républicain par tradition familiale, franc-maçon (Grand Orient). Il est considéré comme un brillant juriste. De tendance républicaine radicale, il fut conseiller municipal à Tarbes de 1883 à 1888, et, conseiller général dans le canton de Lannemezan de 1886-1889. Il fut aussi directeur politique de la République des Hautes-Pyrénées de 1887 à 1891. Battu au renouvellement de son mandat de conseiller général en 1889, il se déclare dès lors socialiste et fonde à Tarbes un groupe qui rejoint le POF (Parti Ouvrier Français) de Guesde. En 1898, le POF le présente (sans succès) aux élections législatives à Valenciennes. Il participe en 1899 et 1900 aux Congrès des organisations socialistes, salle Japy et salle Wagram. Outre les Lois collectivistes…, les principales publications répertoriées sont : La république et les Eglises. Etude sur la séparation des Eglises et de l’Etat, 1905 ; Finances socialistes, 1910 ; Les orphelins de guerre, leur situation juridique, 1915 ; La liquidation des séquestres, 1916. [Pour plus d’information, voir la courte biographie du Maîtron, et le site cimtarbes, consacré aux hommes politiques locaux (Les champs de repos tarbais d’hier à aujourd’hui).]

(2) Sur l’exemplaire dont nous avons disposé pour établir la présente édition, cette dédicace de la main de Georges Dazet à Camélinat : Au vieil ami Camélinat, en souvenir des luttes communes.

(3) A propos de la lutte des paysans contre la propriété foncière et des propositions du Parti du travail (“troudoviks”) pour une expropriation de toutes les terres, Lénine exprime alors son soutien, sans cependant partager « l’idée utopique qu’une jouissance égalitaire du sol est possible sous le régime capitaliste », ni dissimuler « les divergences d’intérêts entre un prolétaire et un petit propriétaire ».

(4) Dans cette recension, il est mentionné que la « motion nettement socialiste » présentée en 1905 par Georges Dazet au Convent du Grand Orient de France, a recueilli 107 voix sur 285, « scrutin qui attesta de la poussée puissante de l’idée socialiste dans les milieux républicains. »

(5) Lucien Deslinières, républicain lui aussi rallié au POF, avait proposé en 1899 dans son Application du Système collectiviste (préfacé par Jean Jaurès), un ensemble très détaillé de principes collectivistes d’organisation, de lois et codes, touchant tous les domaines de la vie sociale. Georges Dazet assure avoir fait quelques « emprunts d’idées » à l’ouvrage, tout en récusant la « forme dogmatique » de l’exposé. Selon lui, il n’y a pas lieu de déférer aux injonctions de ceux qui somment les socialistes « d’avoir à décrire dans tous ses détails la société de demain ». Notons que Lucien Deslinières, un an après la parution des Lois collectivistes de Dazet publie pour sa part un nouvel essai, Projet de code collectiviste, dont la parution en trois tomes s’étend jusqu’en 1912.

(6) Le Parti Socialiste de France avait ainsi déclaré lors de son Congrès de 1902 : « A l’encontre de ceux qui reculent indéfiniment l’avènement de cette société nouvelle, le Parti Socialiste de France affirme que les éléments matériels ou économiques en existent dès à présent et qu’il ne manque à leur mise en train que les éléments humains, c’est-à-dire l’action d’un prolétariat organisé et conscient, possible également dès aujourd’hui. »

(7) Alexandre Millerand lui-même n’avait-il pas proclamé au Banquet de Saint-Mandé en 1896 que la fin assignée au collectivisme était la substitution de la propriété sociale à la propriété capitaliste.

(8) Pour appuyer son propos, Georges Dazet reproduit une citation de Marx tirée de l’édition française du Capital (édition Lachâtre de 1873), citation traitant de l’accumulation primitive : « L’économie politique cherche, en principe, à entretenir une confusion des plus commodes entre deux genres de propriété privée bien distincts, la propriété fondée sur le travail personnel, et la propriété privée fondée sur le travail d’autrui, oubliant à dessein que celle-ci non seulement forme l’antithèse de celle-là, mais qu’elle ne croît que sur sa tombe. »

(9) Il s’agit toutefois de veiller à limiter les compétences des collectivités locales concernant les forêts, mines, carrières, cours d’eau, celles-ci, en favorisant des intérêts locaux, pourraient en effet agir au détriment du bien commun et de la sécurité commune (déboisements, risque d’inondations, etc.)

(10) Notamment Louis Blanc, François Vidal ou Constantin Pecqueur…

(11) Différentes questions sont en outre prises en compte : se préoccuper de l’égalité des travailleurs des conditions de production selon les branches, qu’aucun travailleur ne puisse plus jamais manquer de travail, répartir les travaux selon les conditions de production les plus favorables, limiter le nombre de certaines catégories sociales devenues inutiles, parasitaires, ce qui permettrait d’élargir la masse des forces disponibles pour la production de richesses sociales.

(12) Il semble que Georges Dazet ne perçoive pas clairement la spécificité de la marchandise “force de travail”, le fait que sa “valeur” se détermine en fonction de ce qui est nécessaire à sa reproduction, non dans un rapport direct avec le travail fourni ou avec la loi de l’offre et la demande.

(13) On a glosé à cet égard sur les faiblesses théoriques des guesdistes et plus spécialement de Guesde, arguant de sa compréhension fautive de l’œuvre de Marx, de son défaut d’assimilation de la dialectique, de son dogmatisme (qui lui faisait imaginer le renversement de l’ordre capitaliste et son remplacement inéluctable par un ordre socialiste). Ces « fautes », ces « erreurs », auraient « rendu plus difficile le développement d’un parti ouvrier marxiste ». Voir à ce sujet, notamment, la préface [somme toute “bienveillante”] de Claude Willard, Jules Guesde. Textes choisis 1867-1882. Ne peut-on pourtant se prendre à rêver que les vigilants critiques de Guesde aient été à même de saisir comme il le faisait, le fondement de l’analyse marxiste de l’anarchie capitaliste, telle, qu’au plan historique, elle porte la nécessité de la résolution de sa contradiction fondamentale.

(14) L’auteur ne méconnaît pas le fait que l’unité de travail incorporée dans les produits puisse varier en fonction des conditions de production, il consacre plusieurs paragraphes à cette question à fin de favoriser une relative égalisation des conditions entre les différents travailleurs.

(15) Dans son exposé, Dazet tient pleinement compte du fait que la valeur des produits intègre les valeurs transmises (matières premières, moyens de production, travail), qu’il convient donc de considérer la succession des opérations fragmentaires, et déterminer sur cette base la part du travail dépensé dans la dernière phase de production.

(16) Voir notamment Lénine, « Kautsky et la Douma d’Etat », 23 mai 1906, Œuvres, tome 10.

(17) Pour les lecteurs moins intéressés par la ligne générale du projet de Georges Dazet que par certaines de ses prises de position, qu’aujourd’hui on pourrait estimer pour une part “mal pensantes”, on peut consulter avec profit les passages qu’il consacre à la défense de la patrie, au lien entre révolution et défense de la nation, à la colonisation, ou encore aux “femmes” (dans les conditions du capitalisme et du socialisme).

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